Louis TRINCANO est directeur de l’école depuis 1912. Il est à l’origine de la construction du bâtiment actuel inauguré en 1933 par le président de la république Lebrun. Il considère cette école comme son enfant.
En septembre 1939, il a pallié autant que possible à la mobilisation de nombreux professeurs et élèves. En juin 1940, devant l’avancée allemande, une correspondance étroite s’établit entre le directeur, le Rectorat et la Préfecture. En effet, c’est une école professionnelle dont les élèves sont à même d’aider à l’effort de guerre. Voici un résumé de ces échanges :
C’est dans ce document ci-joint que vous pourrez voir toutes les péripéties de l’évacuation de l’ENH, document par M. LIDOINE, ancien professeur de l’établissement dont la maman était secrétaire à l’École.
Louis TRINCANO revient à l’école qui sert de dispensaire aux Allemands en juillet 1940. Il parvient à les chasser pour obtenir la libération de l’établissement pour la rentrée de septembre. L’inspecteur d’académie l’en félicite et le maintien dans ses fonctions. (Procès-verbal du Conseil d’Administration du 26 décembre 1940)
Le nom de TRINCANO apparait dans un document municipal recensant les notables qui pourraient être punis en cas de sabotage dans la ville.
Louis TRINCANO agit en fonction des directives du Maréchal Pétain ; lui-même est un ancien combattant de la première guerre mondiale, il lui fait confiance et applique un certain nombre de directives :
En tant que fonctionnaire, il fait appliquer dans l’École toutes les lois de la France de Vichy mais un certain nombre de documents attestent qu’il refuse de dénoncer. Ainsi, après l’absence d’un professeur le 11 novembre 1940, il va le défendre afin de lui éviter le renvoi.
Régulièrement, au Conseil des Professeurs, il demande à ceux-ci de ne pas parler politique avec leurs élèves.
Malgré cela, il renvoie régulièrement aux autorités la même réponse sur ce qui se passe à l’École.
Mais ce qui lui sera surtout reproché est le départ pour le STO d’élèves de l’école. Il est contraint en 1942 de dresser la liste des élèves âgés de plus de 20 ans. Ceux-ci doivent partir travailler en Allemagne. Néanmoins il conseille aux élèves de l’institut de chronométrie d’aller s’inscrire à l’université car les étudiants sont dispensés du STO. Concernant les autres élèves, il leur permet de prendre une semaine de congé pour dire au revoir à leur famille ce qui permet à certains de ne pas revenir. Douze élèves partent, une correspondance très nourrie s’établit entre eux et le directeur. Celui-ci demande à ce qu’ils reviennent en France pendant les vacances d’été. Dans Besançon, circule cependant l’idée qu’il a « vendu » ces élèves aux Allemands. En décembre 1943, il est mis à la retraite d’office. Beaucoup considèrent que TRINCANO est un collaborateur ce qui explique son arrestation le 10 septembre 1944, deux jours après la libération de la ville.
Dans une lettre adressée à ses enfants, Louis TRINCANO écrit :
« Je suis un être humain, j’ai comme les autres des défauts. En quoi ai-je vraiment manqué durant la période 39-44 ? Je reconnais qu’en défendant le gouvernement légal de la France contre les imprudences du personnel et des élèves, j’étais mu non seulement par mon but d’éviter une réquisition qui eût été mortelle pour l’outillage, mais encore par ma grande confiance, par ma ferveur d’ancien soldat envers celui qui fut mon chef à Verdun. » …Son parcours montre la difficulté d’occuper un poste à responsabilités pendant cette période.
En juin 1940, lors de l’évacuation de l’école il conseille à deux élèves lorrains de ne pas rentrer chez eux. Colette DIDIER, sœur d’André LARBALÉTRIER élève bijoutier témoigne en 2015 :
« Cependant, étant donné l’occupation de l’Alsace-Moselle par les Armées Allemandes, le directeur de l’École M. TRINCANO conseille aux élèves internes de ces départements de ne pas rentrer chez eux. Car ils risqueraient d’être enrôlés de force dans l’armée allemande, mais de fuir vers le sud de la France. Pour leur permettre de survivre, il leur a donné un petit pécule (récit de mon frère lorsque la famille a été réunie plus tard) ».André (son frère) est parti vers les Landes avec un autre élève, dont elle ne connaît pas le nom. Il finit ses études à Cluse. Arrêté en 1944, il décède en déportation le 3 février 1945 à proximité du camp de Flossenbürg. Mme DIDIER tenait à remercier M. TRINCANO qui avait permis à son frère de na pas avoir été engagé dans l’armée allemande.
Dans sa fuite vers le Sud, André LARBALÉTRIER est accompagné d’un maître d’internat, Paul GEORGES. Celui-ci a fini sa carrière comme directeur du CETHEOR et il a raconté à de nombreuses reprises (voir film « Sur les traces de Louis TRINCANO ») comment Louis TRINCANO lui a conseillé de partir vers le Sud en l’aidant financièrement.
Il y avait deux élèves juifs dans l’école, les anciens élèves se souviennent qu’ils portaient l’étoile jaune et qu’un jour ils ont disparu.
André BLUM était l’un d’eux ; élève de l’école il devient interne début 1944. Il a souvent expliqué comment il avait échappé à une rafle :
« En février 1944, les Allemands avaient prévu d’arrêter tous les Juifs restant à Besançon. Averti, le directeur de l’école, Monsieur TRINCANO me fit quitter l’école et je me cachai alors chez le docteur Maurice Baigue*. »Les deux élèves juifs passent clandestinement en Suisse puis ils reviennent à l’école pour finir leurs études en 1945.