Parmi les élèves, beaucoup sont hostiles au régime de Vichy et à l’occupation allemande. Mais la majorité sont internes et ne peuvent pas sortir de l’établissement. Avant de parler de deux élèves déportés pour fait de résistance, nous allons montrer comment la majorité des élèves expriment leur opposition au régime de Vichy.
Le Père Cent (aussi appelé percent, persan…) est une tradition lycéenne dans certaines régions de France qui se déroule cent jours avant la fin des études. Cette tradition consiste à écrire et imprimer pour diffusion un document humoristique que l’on vend à la famille, aux amis et aux habitants pour recueillir un peu d'argent. À Besançon, ces textes sont imprimés à l’imprimerie Camponovo située dans la Grande rue. Ainsi, durant la 2nde guerre mondiale, ce faire-part possède des sous-entendus permettant d’exprimer la résistance des lycéens en particulier des lycéens de l’Horlo envers l’occupation et Vichy.
Nous avons pu nous pencher sur différents persans parus sous forme d’avis de décès, de journaux ou encore de menus, en particulier sur celui créé par André GARRIGUES scolarisé de 1939 à 1943 : lors d’un entretien téléphonique avec lui, il nous a raconté avoir créé un Père Cent à la fin de ses études à l’Horlo avec ses camarades :
On retrouve dans ce père cent les valeurs de la république française : Fraternité, Liberté. Cette fraternité revendiquée inclut tous les camarades, quelques soient leurs origines ou religions.
Un Père Cent d’avril 1944 montre la volonté des élèves pour la libération du territoire.
On retrouve beaucoup de jeux de mots particulièrement dans l’écriture des différents noms de famille : « Messieurs Jean PEUPLU » (j’en peux plus), « Madame KAFAR » (cafard), « Son mâle O PATT et sa mère KUROCHROME » (mal aux pattes et mercurochrome), « Les familles CONCOIT, LIBERE, AUPLUVIT » (qu’on soit libéré au plus vite). Dans tous les Père Cent, le désir de fraternité est exprimé ainsi que l’affirmation de l’importance des liens tissés entre élèves d’une même promotion et l’école : « Quand les corbeaux voleront blanc et que la neige tombera noire, le souvenir de notre internement s’effacera de nos mémoires », « Quand les quadrupèdes voleront et qu’les serpent sonneront les cloches, le souvenir de la promotion s’en ira de nos caboches » |
Père Cent d'avril 1944 (Archives du lycée) |
D’autres actes de résistance, cette fois sous forme de parodie s’exprime : ainsi la chanson du maréchal nous voilà revisitée :
« Maréchal, nous voilà !
Devant toi le sauveur de la France,
Nous jurons, nous tes gars
De servir et de suivre tes pas
Maréchal, nous voilà
Tu nous as a redonné l'espérance
La patrie renaîtra, Maréchal, Maréchal
Nous voilà »
L’esprit de résistance des élèves se manifeste aussi dans le refus de certains travaux qu’ils doivent réaliser. On remarque que les élèves notent dans leur carnet de travail « collaboration » pour qualifier certaines réalisations d’atelier qui sont commandées par les Allemands. En effet, l’école reçoit des commandes de la part d’industriels bisontins et aussi quelque fois des commandes allemandes qui sont alors confiées aux élèves de 3ème et 4ème année. Cependant, on voit que le directeur a barré et remplacé par l’inscription « imposés ». Encore une fois, les élèves résistent par de petits gestes ; ils ne sont pas d’accord avec le travail qu’on leur impose et veulent le faire remarquer. Ce carnet est important pour trouver du travail par la suite, il montre les compétences et savoir-faire de l’élève.
Les élèves sont très choqués par le départ au STO de certains de leurs camarades. Ils tiennent à montrer leur solidarité et les tiennent pour présents parmi eux. Sur cette photo : trois chaises sont laissées vides, avec les noms de trois élèves partis au STO, service du travail obligatoire en Allemagne. De cette façon, ils soutiennent ces absents et protestent ainsi contre le régime de Vichy et sa collaboration avec l’Allemagne.
Certains élèves qui doivent partir au STO refusent et cherchent à y échapper : pour les élèves de l’institut de chronométrie, l’inscription à l’université est possible. Pour les autres, ils ont 8 jours pour aller dire au revoir à leurs parents : certains ne reviennent pas et doivent se cacher dans les maquis. Un élève de Pontarlier qui ne connait aucun maquis doit revenir malgré lui et part en Allemagne après les autres (témoignage oral recueilli auprès de M. HÉROUT, ancien élève).
De nombreux élèves (et anciens élèves) s'engagent dans la libération de Besançon et certains meurent au combat comme par exemple Camille COMBRAY ou Aimé MARÇOT (qui appartenaient à la 1ère Armée Française)